Savez-vous que le premier épidémiologiste à avoir lancé une alerte sur la crise imminente de la Coronavirus est BlueDot , une IA ?
150 intervenants ont pris la parole cette année à la conférence en ligne AI for Health pour partager techniques, projets et évolution du secteur de la santé sous l’ère du numérique et de l’Intelligence Artificielle.
Mais le plus gros changement de l’année n’est pas scientifique, il est dans la collaboration des multiples acteurs. La clé pour les start-ups et industriels est désormais d’impliquer professionnels de santé, structures et institutions pour accélérer et gagner en pertinence et en précision.
Et il est force de constater que toutes les réussites présentées à la conférence n’étaient pas individuelles mais bien collectives. Les frontières entre les organisations étant tombées, quel état des lieux de l’IA dans la santé pouvons-nous faire, en cette fin d’année 2020 ?
Les tendances de l’IA dans la santé
La donnée patient vaut de l’or. Les hôpitaux sont donc devenus une cible de choix pour les hackers et la sécurité de nos données personnelles de santé est plus que jamais critique. Si la cryptographie est évidemment utilisée pour sécuriser ces données, il était jusqu’alors compliqué de l’appliquer sur les sets de données, puisque les algorithmes d’apprentissage nécessitaient en général de la donnée en clair. Il existe désormais des solutions, proposées par Owkin et Cosmian par exemple, qui permettent l’apprentissage automatisé sur des données cryptées.
Ces plateformes permettent également l’apprentissage coopétitif, c’est à dire où des concurrents peuvent bénéficier des données des uns et des autres pour améliorer la précision de leurs algorithmes mais sans accéder aux données de leurs concurrents (seul le résultat de l’apprentissage étant exploitable). Cette approche écosystémique permet ainsi un apprentissage plus rapide et plus précis puisque basé sur une quantité décuplée de données et une plus grande variété de sources.
Une autre tendance qui se dégage de la conférence AI for health est l’optimisation du parcours patient, avant même sa venue à l’hôpital. A l’aide d’outils d’auto-diagnostic, de capteurs divers et d’algorithmes de prédiction, notre médecine devient enfin plus préventive, avec à la clé une meilleure expérience patient et un coût plus faible pour la société. La télésurveillance médicale n’était pas une priorité jusqu’à présent, mais elle a prouvé sa pertinence en 2020 et les intervenants parient tous sur une accélération du télésuivi.
Ambitions et limites
Malgré un écosystème français grandissant et dynamique, on ne peut que constater que toute start-up Européenne ne peut aujourd’hui grandir qu’en passant par les Etats-Unis.Il s’agit en effet du seul marché accessible, important et avec un cadre légal globalement unique. Par ailleurs, le coût des soins est tel que l’intérêt des investisseurs service est immédiatement attiré par tout service permettant de réduire la durée des hospitalisations. Cependant, la preuve clinique du modèle français s’oppose aux promesses de la Silicon Valley.
On peut donc espérer que cette mobilisation récente et générale des divers acteurs français ainsi que l’investissement de l’Etat (via le plan Segur Santé, le Health Data Hub ou les multiples projets soutenus) permettront d’atteindre l’objectif d’écosystème de référence dans la création de valeur sur la donnée de santé
Pour le devenir, de nombreux défis sont encore à relever.
- La croissance des données de santé est exponentielle (+50% de croissance, soit la plus forte de toutes les industries, et pour un total de 2314 exabytes en 2020) mais nous devons nous assurer de leur utilisation de manière éthique.
- Les IAs n’ayant pas la conscience d’un médecin, elles ne pourront jamais le remplacer, mais elles sont pour autant des appareils de santé de plus en plus intégrés et encore peu régulés. Quels risques sommes-nous prêts à prendre ? Qui sera responsable ? Comment certifier et réguler des algorithmes ?
Tels sont les questionnements de nombreux industriels (comme Sanofi, qui a lancé une Task Force en interne dédiée au sujet de l’éthique) et professionnels, qui insistent sur l’importance de la présence d’un comité médical pour chaque produit basé sur de l’IA.
De belles promesses et un futur radieux en France ?
Pour de nombreux intervenants à cette conférence, la crise du COVID-19 a finalement tout changé. Il s’agit d’une nouvelle ère pour l’IA dans la santé, mais également d’un changement de paradigme dans la relation patient-soignant. Loin d’avoir cassé cette relation privilégiée, le numérique a permis de la renforcer et d’aider à amorcer le passage d’une médecine passive qui attend l’arrivée d’un nouveau patient à celle d’une prise en charge multicanaux et d’une médecine préventive.
Les étoiles sont aujourd’hui alignées : la quantité et la qualité des données grandissent jour après jour, la technique, l’argent, la communauté sont présentes et la collaboration entre tous les acteurs du secteur est enfin la référence et non plus l’exception.
Médecine personnalisée, monitoring à distance, prédiction des événements et optimisation du parcours client : le futur de la santé est là. Ne reste plus qu’à prouver la pertinence clinique des IAs, apporter un cadre légal et éthique, et augmenter encore et toujours la quantité, la qualité et l’accès aux données.